Chaque automne pour les vacances de la Toussaint, le cimetière connait une grande effervescence. Aux anciens de rappeler chaque année à la jeune génération comment ne pas oublier les allées conduisant aux sépultures familiales.
Or, c’est une tâche de plus en plus compliquée avec des familles qui se trouvent dispersées aux quatre coins de l’hexagone et parfois de la planète.
Le cimetière du Val-d’Ajol regorge de sépultures et pierres tombales souvent pleines de mystères. L’imposante stèle qui se trouve quasiment au centre de l’ancien cimetière ne reçoit sans doute plus de visite depuis des lustres.
Parmi les nombreux défunts qui y trouvèrent place, il y eut Léon Amédée Fleurot décédé à 58 ans dans un hôpital parisien où il avait choisi de se faire soigner. Léon vivait à la Broche qui à l’époque était une jolie maison de Maître, sans doute une des plus confortable du village avant qu’elle ne soit transformée en cité ouvrière.
Ce nom « La Broche » était censé rappeler le berceau des célèbres rebouteux Fleurot, propriétaires d’un vaste domaine portant le même nom sur les contreforts du Girmont.
Léon, fils de l’ancien percepteur, a opté comme ses frères pour le célibat mais sans vivre pour autant comme un ermite. Car sa position de notable et d’industriel le conduisit souvent à fréquenter les cabarets parisiens. Il reprit l’usine créée par son père aux Chênes et passa pour un excellent patron. Il eut à son service plusieurs domestiques pour la cuisine, le ménage, l’entretien d’un vaste potager et d’un grand parc arboré qui allait de la grande rue à la rue de la gare. Parc riche de toutes sortes d’espèces d’arbres que l’héritière vendra un bon prix à la commune pour y construire l’école des filles après la grande guerre.
Lors de l’ouverture de son testament le 2 janvier 1902, la longue liste des héritiers comprend une multitude de cousins et cousines qui ont pour noms Girardin, Fleurot, Laffond, Olivier.
L’arrivée du chemin de fer au Val-d’Ajol en 1881 sur requête des industriels a de suite entraîné un exode massif de la jeunesse, y compris parmi les familles les plus aisées.
Ainsi, cinq des héritiers Fleurot habitent en Algérie et trois frères sont dessinateurs à Paris. Ce qui explique sans doute pourquoi Léon Fleurot prendra la précaution de léguer au fossoyeur Méline les intérêts d’une somme de 3000 F pour qu’il veille à l’entretien de la concession familiale. Son frère Amé mort l’année précédente, qui habitait l’actuel « Hôtel de la Résidence », avait déjà pris des dispositions semblables mais au nom de l’hospice auquel il avait légué 10 000 F.
Si ce dernier legs ne semblent pas avoir posé de problèmes, il n’en fut pas de même pour celui dont le fossoyeur était le bénéficiaire. Car le fossoyeur n’est qu’un prestataire à titre précaire de la commune et ce legs lui vaudrait une obligation quasiment impossible à tenir. Une convention écrite sera donc établie engageant cette fois la commune, avec l’aval du préfet.
Cette convention prévoit que les 3000 F soient utilisés pour l’achat d’une rente sur l’état au nom de l’hospice qui versera chaque année au fossoyeur en exercice le montant des intérêts. Voici ce que dit la convention : « le fossoyeur du Val-d’Ajol, ce à quoi s’oblige monsieur Méline fossoyeur actuel, pour lui et ses successeurs, sera tenu à perpétuité à l’entretien convenable des tombes de la famille Fleurot ».
Ainsi le maire, à l’époque l’industriel Édouard Georges, s’est engagé à verser chaque trimestre au fossoyeur la somme de 20f.