Une triste fin pour le Château de Semouse

Texte: Daniel GURY.

Situé à Semouse mais sur la commune de Xertigny, et non pas à Ruaux comme d’autres maisons de Semouse, le magnifique château de la famille de Pruines a été totalement ruiné par un violent incendie survenu en pleine nuit vers la mi-octobre. Ses propriétaires habitant la région nancéenne ne venaient à Semouse que pour de brefs séjours.

Construit vers 1885 un peu à l’écart de la forge de Semouse, le château ne pouvait échapper à la curiosité des touristes qui empruntaient la départementale allant de Bellefontaine à la Chaudeau.  Lorsque nous avons établi sur le canton en 1991 les 170 km de sentiers de randonnées, des bénévoles de notre collectif avaient insisté pour que les anciennes forges de Semouse et bien entendu son magnifique château ne soient pas oubliés. Le circuit fut difficile à établir vu l’éloignement du départ le plus proche qui était au centre de Ruaux et le mauvais entretien des chemins longeant la rivière. Mais l’intérêt historique de ce tracé presque toujours en sous bois avec le château des Fées et la Forge Neuve fut déterminant. Nous avions même aménagé une courte dérivation pour accéder au sommet d’un promontoire d’où la vue sur le château était imprenable. 

L’histoire de la famille de Pruines est étroitement liée à la production d’ustensiles de cuisine notamment de casseroles. Une spécialité qui date de l’époque où un certain André Hildebrand fit l’acquisition d’une fabrique légendaire produisant des ustensiles en fer blanc basée à Fontenoy-le-Château.

Dans ce village déjà peuplé d’un grand nombre ouvrier, on fabrique des casseroles de père en fils. Ainsi Louis Jean Baptiste Parisse né en 1792 aura plusieurs fils qui prendront la relève. Passé l’adolescence, ils profiteront d’opportunités diverses pour se marier et gagner leur vie dans diverses communes des alentours où le même patron disposait d’ateliers. Ainsi les frères Jean Baptiste et Nicolas travailleront à Semouse puis à Plombières dans l’usine de Pruines tout en habitant le Val-d’Ajol plus précisément au Dandirand. Car Victor De Pruines après avoir épousé la fille Hildebrand est devenu le patron de ces diverses usines réparties dans les deux vallées. Et c’est précisément Victor de Pruines qui fera construire ce superbe château après avoir été élu comme conseiller général de son canton.

Vers 1860, Nicolas Parisse quitte son poste de chef d’atelier à Plombières pour s’installer à Faymont dans une forge nouvelle fondée en 1838. En 1860, c’est encore une forge d’affinage qui se contente de produire des barres de fer brutes pour répondre à la demande d’une multitude d’artisans forgerons, les plus éloignés habitant Vesoul. Naturellement, Parisse qui n’avait pas de fortune personnelle va bénéficier d’un prêt accordé dans le plus grand des secrets par la famille de Buyer de la Chaudeau.  Parisse rachète ainsi les parts détenues par le défunt Fleurot d’Hérival, principal actionnaire. La discrétion était de mise car l’opération devait se réaliser sans alerter la concurrence, à savoir la famille de Pruines. Ainsi donc, grâce à la complicité de la famille de Buyer, Nicolas Parisse, fils d’ouvrier, va lancer la production de casseroles à Faymont comme concurrent de son ancien patron.

La vallée de Semouse souffrait alors d’un gros handicap. Le charbon des mines de Ronchamp devenait plus avantageux que le charbon de bois produit sur place à grands frais. Mais encore fallait-il le transporter. Or, malgré divers projets, la vallée de Semouse ne fut jamais desservie par le chemin de fer. Tandis que dès les années 1860, diverses pétitions feront rapidement l’unanimité pour installer le chemin de fer dans la vallée déjà très industrialisée de la Combeauté avec terminus à Faymont.  Du coup, la petite forge de Faymont devenait un investissement promis à un bel avenir.

Enfin, Parisse qui tenait à voler de ses propres ailes eut l’idée de bâtir une nouvelle usine basée cette fois à Larrière sur les ruines d’une ancienne féculerie. Mais au final, durant plusieurs décennies, Parisse et de Buyer travailleront en parfaite intelligence comme le démontre un copieux catalogue diffusé au début du siècle dernier.

Petite précision pour les féru de généalogie. Si au Val-d’Ajol, le patronyme Parisse appartient à la famille de ces industriels, nous avons au Val des Paris qui ne sont pas rares depuis le 17e. Mais à y regarder de plus près, les Parisse de Fontenoy seraient une forme mutante des Paris du Val-d’Ajol.