Hérival : son étang et son prieuré

Éditeur : Daniel GURY.

La vente à une société privée du grand étang d’Hérival fait jazzer dans les chaumières. En effet, l’annonce de cette transaction prête à confusion. Car les vendeurs ne sont nullement les propriétaires de l’ancien prieuré.

Car l’ancien prieuré y compris ses nombreuses dépendances mis en vente après la révolution sera maintes fois divisé au fil des décennies au profit de divers propriétaires, le plus souvent des héritiers avec naturellement les ancêtres du dernier des rebouteux Fleurot, que certains Ajolais ont connu, mais qui avait émigré à Mossoux tout en gardant le contact avec le pays de ses ancêtres.

Par contre, ce que les Ajolais ignorent, et on se demande pourquoi, c’est que les propriétaires du prieuré d’Hérival en 1838 furent les fondateurs, ou du moins les deux principaux actionnaires, de la forge de Faymont c’est-à-dire l’actuelle manufacture de Buyer.

En effet le vieux moulin de Faymont fut mis en vente par ses propriétaires, la famille Daval, lors d’un partage de famille en 1838 et non pas en 1830 comme on peut le lire sur certaines publicités mensongères.

La famille Sauret de Remiremont dont la fille a épousé Jules Blaise Grandmontagne de la forge d’Uzemain avait dans l’idée de créer une forge sur la commune du Val-d’Ajol. Une première tentative avec la scierie du Hariol avait échoué vers 1825. Le projet de 1838 se soldera lui aussi par un nouvel échec, la famille Sauret ne parvenant pas à mobiliser les fonds nécessaires dans le délai mentionné lors de la signature de la vente.

C’est alors que Thiébaut Fleurot et son beau-frère Jean Nicolas Arnould, tous les deux cultivateurs à Hérival se portent acquéreurs du moulin de Faymont avec d’autres actionnaires. En fait beaucoup de monde va s’intéresser à cette aventure. On peut citer le percepteur François Fleurot lui aussi de la famille des rebouteux et Jean Abdon Remy le propriétaire de la scierie au centre du village mais ce sont des opportunistes qui changent volontiers leur fusil d’épaule. Ils revendront leurs parts avant que l’affaire ne soit devenue rentable.

Puis en 1865, suite au décès de Thiébaut Fleurot d’Hérival, les actions de ce dernier seront acquises par Constant Parisse que personne ne connaît sauf à l’usine de Pruines où il est rentré comme simple ouvrier 20 ans auparavant. Natif de Fontenois la Ville, son père était déjà dans la fabrication des casseroles avant sa naissance. Ses 2 frères feront aussi des casseroles à Ruaux puis à Semouse .

Ce n’est finalement qu’en 1887 que la famille de Buyer se rendra propriétaire de l’usine de Faymont en association avec Japy et de Pruines. Avant l’arrivée de Parisse, la forge de Faymont ne produisait que du fer brut. Ses principaux clients étaient des forgerons et maréchaux ferrant. Les plus éloignés habitant Vesoul.

Quant à Hérival, le grand étang faisait tourner une scierie dite la scierie domaniale qui changera aussi plusieurs fois de propriétaires. Elle avait appartenu à Louis Divoux un marchand de bois à Épinal qui avait plusieurs scieries à Nomexy et à Sercœur. Mais il fait faillite en 1931.

 La scierie d’Hérival est alors vendue au boucher de Faymont Paul Colnot pour 33.000 Fr. Mais l’entrepreneur de maçonnerie Lucien Besozzi et l’entrepreneur de broderie Alphonse Bômont, le beau-père de Chrétien Muller fabricant de filets, font une surenchère mais qui ne sera pas validée. le cadastre témoigne que cette scierie restera portée au compte de Paul Colnot jusqu’en 1968, date de sa destruction.

Le cadastre nous apprend que Colnot possédait déjà les 4/5 du Grand Étang, l’autre cinquième étant à la scierie, le tout faisant 1 ha 90 ares et 82 centiares et non pas 6 ha comme lu dans la presse. (6 ha étant l’étang et les terrains).

La même scierie avait appartenu au rebouteux Fleurot, d’abord à Jules jusque 1890 puis à son fils Thiébaud.

En 1994, les propriétaires d’Hérival demandent à être raccordés au réseau EDF. Le coût est faramineux : 680.000 Fr mais EDF prendra à sa charge 50 %. La commune après délibération viendra aussi au secours des demandeurs à hauteur de 15 % de leur contribution.

Le prieuré semble toutefois avoir été alimenté dans le passé par une turbine, sans doute du temps ou la scierie appartenait encore à la famille Fleurot.

Pour preuve que le prieuré et ses annexes ont été répartis entre plusieurs familles qui parfois se chamaillaient, il suffit de prendre connaissance d’un fait divers peu ordinaire publié dans la presse locale en 1911.

  Le 9 avril, Thiébaud Fleurot aidé de son domestique s’introduisent en plein jour dans le prieuré pour s’emparer de l’armoire et de son réputé squelette. Le prieuré avait été occupé durant 3 ans par une locataire, Mme Gravier, avant qu’elle ne rejoigne les Vargottes comme cultivatrice. Mme Gravier par habitude continuait de veiller au grain. Elle s’empresse alors d’alerter Mme Louis, la propriétaire qui habite à Rupt sur Moselle.  Thiébaud Fleurot prétendra que ce squelette appartenait à sa famille. Il promet lorsque le juge l’interroge de faire des recherches dans ses archives et d’en apporter la preuve.