Les 30 ans de Rando Découverte

Prélude

En 2002, Mado, l’ancienne gérante du Bar des Vosges, se rappelait d’un pamphlet rédigé en patois vers 1910 critiquant la décision de construire un nouvel Hôtel de Ville sur l’emplacement de la scierie Remy. La lettre dont l’original se trouve soigneusement conservé aux archives était signée par l’Ermite du Petit Bonnet. En fait, il s’agissait de Louis Eugène Vial natif du Val-d’Ajol mais habitant Épinal qui voulait préserver son anonymat car à l’époque il occupait la place très convoitée d’architecte attitré de la ville d’Épinal. Or, ce Vial qui avait quitté Le Val-d’Ajol pour suivre des études était un proche parent du fondateur de l’Hôtel des Vosges, donc pas étonnant que Mado fut mise dans la confidence.

Vial y racontait avec moult anecdotes les rumeurs parfois cocasses qui courraient au village depuis les dernières municipales et parvenaient à ses oreilles chastes. Il expliquait vivre parmi les sapins et les oiseaux loin des tracas mondains, en limite du Chanot, dans une modeste cabane en bois dont Mado avait gardé un vague souvenir.  Au Petit Bonnet il existait tout de même un pré qui fut encore longtemps exploité après la construction de la nouvelle route de Plombières inaugurée dans les années 20.  Se trouvait jusque dans les années 60 en bordure de cette route dans un endroit dominant le village un banc public fort apprécié des voyageurs, exactement dans l’axe de la rue de Plombières. Particularité de cet emplacement : le panorama évidemment et une perception incroyable de tous les bruits montant de la vallée. Si les bruits des usines ou les bruits des attelages et surtout de leurs conducteurs qui juraient comme des charretiers permettaient parfois de percevoir des conversations, Vial avait tout de même un tantinet exagéré.

Souvenir, souvenir.

Osons tout de même imaginer ce que l’Ermite du Petit Bonnet aurait eu à raconter comme souvenir sur Rando Découverte.  

L’association Rando Découverte du Pays d’Hérival avait été créée au Val-d’Ajol à l’initiative de 3 familles amies, les Gury, les Véber et les Jeanvoine mais c’était il y a 30 ans, alors veuillez excuser les oublis. C’est ainsi que ce concrétisait sur le papier de manière formelle ce qui se pratiquait déjà officieusement depuis la création des sentiers pédestres en 1991 sur la communauté de communes des Trois Rivières.

En effet c’est à cette date qu’une opération de grande envergure fut lancée par le SIAD en faveur d’un tourisme locale qui déjà en 1880 faisait la réputation de la région, date des premiers balisages à la peinture, histoire de distraire les curistes les plus courageux de la station thermale mais aussi de plus en plus souvent les simples touristes bien portants qu’ils soient parisiens, lyonnais ou marseillais pour ce qui concernait la grande commune du Val-d’Ajol. C’est en tout cas vers cette date, 1882, que fut inaugurée la gare du Val-d’Ajol, apportant son flot de voyageurs aisés dès l’apparition de la belle saison. C’est du moins à cette date que vont se développer les premiers hôtels tels l’Hôtel des Vosges avec la famille Vial, l’Auberge du Soleil d’Or avec la famille Alexandre sans oublier l’Hôtel de la Feuillée d’Dorothée avec les familles Lambert puis Ballandier qui offraient déjà, non pas la HI FI mais une chambre noire pour les passionnés de photographie.

Mais pour ce dernier site les historiens sont tombés dans le piège de la topographie qui laisse parfois à désirer, commettant une erreur peu banale. Car la Feuillée concurrente sise sur l’autre versant dite Nouvelle Feuillée était en réalité nettement plus ancienne que la Dorothée puisque rebaptisée ainsi dès 1835 lors de la construction de la route de Plombières, la première devant remplacer le redouté Chemin des Morts. Une subvention d’État exceptionnelle prévue à l’origine pour le développement de la station thermale de Plombières dormait dans un tiroir.  Bien que située sur le territoire du Val-d’Ajol, le réaménagement de la plus ancienne Feuillée ne fut pas soumis à l’avis du Conseil Municipal du Val-d’Ajol par manque de temps car le délai pour utiliser cette enveloppe de 5.000 francs arrivait à échéance comme le précisera le préfet Siméon lui-même adepte de la randonnée et ayant son hôtel particulier à Plombières. Enfin, ce très ancien point de vue jusque là rudimentaire sera pompeusement rebaptisée la Feuillée Nouvelle puisque entièrement revisitée. Un jardin botanique fut même envisagé sur le terrain communale voisin (actuel Chalet des Amis de la Nature). Le célèbre percepteur François Fleurot proposant en effet de l’acquérir à bon prix pour faire de cette friche humide une opération juteuse du type Parc de Loisir avec buvette.

Donc en 1991, pour la première fois sans doute dans ce que l’on appelle aujourd’hui le Grand Est, une opération de grande envergure était lancée. Elle consistait à remettre à plat tout un éventail de parcours pédestres établis au fils des décennies de façon empirique sans la moindre concertation. De généreuses subventions furent accordées pour réaliser ce chantier avec une conception nouvelle à savoir des circuits circulaires tenant compte du progrès, à savoir la généralisation de l’automobile, que les premiers touristes ignoraient, voyageant tous par le train. Ces circuits furent donc répartis sur huit points de départs disposant d’informations et de plans d’une grande précision.

Durant environs 4 mois, deux chantiers de réflexion furent animés, un à Plombières, un second en mairie du Val-d’Ajol. Ils mobilisèrent une cinquantaine de personnes, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, historiens et historiennes. Sur les 250 personnes qui furent consultées, une cinquantaine répondirent à l’appel.  S’aidant de cartes IGN spécialement agrandies par les Télécom pour plus de clarté (10.000e au lieu du 25.000e), chaque semaine, plusieurs projets étaient mis à l’étude, des équipes de volontaires étaient désignées pour faire sur le terrain des reconnaissances contradictoires, extraits du cadastre en main souvent nécessaires et s’entourant des avis des riverains.

Ce travail collectif ne tarda pas à créer des habitudes, autant à Plombières qu’au Girmont et qu’au Val-d’Ajol. Yvonne Gury qui ne disposait que du lundi pour randonner, étant commerçante, eut rapidement ses fidèles adeptes. Tandis que son mari Daniel chargé de l’approvisionnement des 3 magasins de Luxeuil, Épinal et de la rue de la gare randonnait avec le Club Vosgien, mais le dimanche, le plus souvent comme chef de file, proposant chaque mois des sorties dans les vallées de Moselle et Moselotte ou sur les crêtes.

Rapidement débordée, Yvonne dut faire appel à son mari. Car les randonnées qu’elle proposait méritaient d’être accompagnées de commentaires historiques comme sur les 146 croix de la commune mais pas seulement. Ce qui justifiera plus tard l’appellation Rando Découverte. Quand au lieu « Pays d’Hérival » il faisait référence aux 3 communes du SIAD concernées par ce projet, le SIAD devenant par la suite communauté de communes, une des toutes premières du département. Or ces populations dépendaient toutes du Prieuré d’Hérival notamment pour les offices religieux et moyennant redevances non négligeables s’ajoutant aux redevances des Chanoinesses.

Souvent, une vingtaine de personnes se trouvaient au départ, au pied de l’office du tourisme, rue de Plombières, sous les fenêtres du domicile du couple Gury et sans cotisation à régler car tout étant gratuit.

Les premières difficultés rencontrées portèrent sur l’équipement. Les randonneurs devant emprunter divers sentiers ou chemins souvent peu fréquentés, parfois humides ou embroussaillés, et par tous les temps y compris l’hiver, l’usage de tenues appropriées était vivement recommandé ainsi que les sacs à dos pour un minimum vital. Or, nous étions dans une période, pourtant pas si lointaine où les magasins étaient très mal achalandés, à moins que de passer commande à Paris « Aux Vieux Campeurs ». Il fallu donc des mois et des mois pour que chacun des adeptes prenne l’habitude de bien s’équiper. Restait pourtant une inconnue « les touristes » invitée par affiches ou communiqués de presse.

C’était souvent durant le repas de midi que le choix du parcours se définissait en fonction de la météo et à la dernière minute de l’équipement vestimentaire de tous les partants.

A souligner le côté convivial de toutes ces sorties. Il n’était pas rare en effet que le départ se fasse à partir d’un bistrot. Ils étaient encore nombreux dans nos campagnes au début « des années 90 ».  Une petite bière était souvent appréciée au retour ou un chocolat suivant la saison. D’autres préférait goûter au vin nouveau, pourquoi pas, le général hiver arrivant. Nous décidâmes donc de nous équiper d’une glacière et d’un thermo, évitant ainsi de froisser certaines susceptibilités. L’idée d’une participation forfaitaire fut alors décidée avec la pièce de 10 francs d’un usage très répandu. Des boissons à volonté étaient ainsi offertes au retour, chaudes ou froides, accompagnés de quelques biscuits reconstituants. C’était la naissance d’une première cagnotte. Par la suite, le bénéfice, car il y avait tout de même du bénéfice, fut intégralement redistribué sous forme d’une participation à un repas annuel puis à un voyage.

Voilà les deux points sur lesquels les couple Gury peut se flatter d’avoir innover dans le domaine de la Rando : choix du lundi alors que quasiment tous les clubs randonnaient le dimanche ; enfin une glacière pour offrir rafraîchissements et remontants.

La présence de cette cagnotte posait toutefois au couple Gury, des commerçants, un souci d’ordre purement comptable. Car ce n’était ni plus ni moins qu’une caisse noire dans un tiroir de magasin pouvant ne pas plaire au fisc. Un appel à volontaires fut donc décidé pour créer une association dans les meilleurs délais, à savoir nommer un trésorier, un secrétaire et un président. Mais la tâche fut longue et difficile. Personne ne voulant prendre de responsabilités. Finalement, une association loi 1901 fut tout de même créée en 1995, Daniel Gury qui en avait rédigé les statuts en assurant présidence, Noël Véber le secrétariat et Madeleine Jeanvoine   la trésorerie. Et la signature d’une assurance responsabilité qui devenait indispensables fut la première démarche administrative.  La seconde démarche d’importance fut de convenir avec la communauté de communes d’un contrat d’entretient pour les sentiers du secteur. Mais ce fut là un échec cuisant, la collectivité ayant alors d’autres objectifs en faveur de l’emploi. Enfin, des randonnées réalisées dans les Alpes ou à l’étranger faisaient la démonstration que de plus en plus souvent ces travaux d’entretien étaient à la charge des communes ou de divers syndicats.

                             ANNIVERSAIRE DE RANDO DÉCOUVERTE DU PAYS D’HÉRIVAL

La célébration des 30 ans de Rando Découverte fut un succès rarement observé dans ce domaine des loisirs et de la découverte. Pas moins de 130 adhérents de divers lieux y compris de nombreux anciens totalisant souvent plus de 20 ans d’adhésion ininterrompue avaient répondu à l’appel.

Les dirigeants actuels sous la houlette du nouveau président, Jean Pierre Remy, avaient exposé de grands panneaux résumant les temps forts de l’association au fil des ans. Enfin sur grand écran furent projetées et agréablement commentées sans la moindre failles vidéos, photos et diapos d’un passé bien fourni sur 30 ans de randonnées conviviales.  Une minute de silence fut observée en la mémoire des disparus comme Michel André, un des premiers randonneurs de 1991 qui avait fait de la vidéo et de l’informatique sa seconde passion puis des présidents disparus Noël Véber et Roger Marcaud.

6 Présidents pour 30 ans de randonnées conviviales.

Daniel GURY le fondateur, Roger MARCAUD, Noël VÉBER, Pascale TISSERAND,

Jean-Pierre REMY l’actuel Président.