Éditeur Armand DANGEVILLE.
L’histoire que vous allez lire m’a été confiée l’été dernier alors qu’elle remuait la terre de son jardinet par une vieille paysanne du Haut du Seux fort attachée à ses racines qui, disait-elle, la tenait de son arrière grand-oncle des Angles, lequel ne se souvenait plus de celui qui la lui avait racontée.
On a aussi longtemps affirmé à tort qu’elle avait été inventée un soir de veillée hivernale, alors que la tempête balayait la vallée enneigée, par un grand-père conteur du Bas d’Hérival entouré de ses petits-enfants près de la cheminée où se consumaient les bûches de hêtre de la forêt proche.
Trop beau pour être vrai !
« N ‘en croyez rien, ajouta la grand-mère, car mon histoire est la seule vraie histoire de la VALLÉE DES ROCHES.
C’était, m’a donc raconté cette brave paysanne à la mémoire prodigieuse, il y a des milliers d’années, au temps des dernières langues glaciaires qui agonisaient et qui avaient autrefois façonné la vallée et avaient poussé jusqu’à l’actuelle Fougerolles.
Nulle âme dans la vallée en ce temps-là !
Sur les plateaux qui la bordaient survivaient quelques familles d‘êtres sortis tout droit de légendes : des géants disait-on, vêtus de peaux de bêtes, aussi grands que les premiers sapins qui trouaient déjà le manteau de glace. Ils vivaient des rares cueillettes, de la pêche et de la chasse. Cerfs et sangliers pullulaient en ces temps-là dans nos forêts qui offraient aussi à nos grands hommes des baies comestibles telles que les brimbelles dont ils raffolaient et des champignons dont certains, mal estimés, faisaient des ravages dans les rangs des familles de géants.
Dans notre Vallée des Roches coule aujourd’hui paisiblement la Combeauté qui rejoint la Méditerranée en se mariant à divers cours d’eau au long de son voyage. En ce temps-là fort lointain, une haute masse de roches dures barrait la vallée à l’emplacement actuel de notre trouée de la Vallée des Roches. Et derrière cette énorme barre reposait un grand lac très profond aux eaux sombres qui effrayaient les rares riverains. On raconte même que des pêcheurs imprudents étaient victimes d‘énormes brochets aux dents acérées qui se jetaient sur eux et les entraînaient au fond de l’eau.
Ses rives découpées rejoignaient les actuels Haut du Seux, le Peutet et couraient jusqu’au Girmont. Aussi était-il difficile et long de rejoindre ces lieux que le lac séparait, ce qui irritait les habitants. Vider celui-ci de ses eaux tumultueuses et inquiétantes aurait satisfait tout le monde.
La vieille paysanne raconta avec émotion en lançant sa binette en l’air que sur cette barre rocheuse vivait un géant, plus grand que tous les géants du plateau. Doté d’une tête de buffle et de mains larges comme la porte de son jardinet, il abattait tout seul un cerf en se saisissant de ses bois. Il habitait une grotte qu’il avait creusée de ses mains de géant, tout seul aussi et ses cris de colère s’entendaient à dix lieues alentour et provoquaient la fuite des géants du plateau qui regagnaient leur hutte à la hâte, poursuivis par l’écho de ses hurlements. Grolow, ainsi l’appelait-on, ne supportait pas que l’on s’approche de sa grotte. IL lançait des roches arrachées à la barre sur les malheureux cueilleurs et plus d’un ne revint jamais au logis.
Lassés par ces agissements répétés, les plus forts des géants décidèrent un jour de se venger. Comment pourraient-ils le faire ?. L’un d’eux proposa de déposer devant sa grotte des champignons empoisonnés. Un autre avança qu’il fallait une nuit l’enfermer dans sa grotte en déposant d’énormes roches devant l’entrée. D’autres pensaient qu’en se positionnant sur la roche du renard qui surplombait son domicile, ils pourraient lancer des roches enflammées sur son logis et le réduire en cendres. Une longue réflexion s’ensuivit et tous reconnurent que cette dernière proposition était la meilleure.
Quelque temps plus tard, ils se réunirent une nuit en silence sur la roche du renard, allumèrent un grand feu, y firent rouler d’énormes blocs rocheux arrachées à la montagne qu’ils avaient enduits de graisse des derniers mammouths abattus et lancèrent ces roches enflammées sur sa grotte. Celle-ci s’effondra enfin sous les blocs meurtriers et sous les cris de Grolow vaincu. Ce feu d’artifice se poursuivit toute la nuit et au matin, une large fente dans la barre rocheuse provoquée par les lourds blocs se creusa d’où s’écoulaient les eaux sauvages du lac vers la vallée encore englacée par endroits. La puissance et la violence du débit entraîna mille roches arrachées à la montagne qui agrandirent la fente et détruisirent la barre rocheuse si longtemps maudite par les géants de la montagne. Au bout de quelques semaines, le lac où quelques blocs de glace se bousculaient encore se vida complètement.
L’un des géants crut même sage d’appeler dorénavant ce lieu-là VALLÉE DES ROCHES et tous l’acclamèrent. Les eaux avalèrent la dernière langue glaciaire et une verdoyante vallée se dévoila sous le regard admiratif des géants des plateaux qui ne tardèrent pas à la coloniser durablement.
Mon amie paysanne raconta même, et il faut la croire, que si vous appelez fort GROLOW dans la Vallée des Roches à l’endroit de la grotte, là où la vallée se resserre, un écho lointain de ses cris vous répondra et vous en tremblerez pendant quelque temps. Aussi, jamais l’on n’oublia depuis la nuit des temps et jamais l’on n’oubliera l’histoire de nos ancêtres les géants qui, en trouant cette barre rocheuse, ont créé notre célèbre VALLÉE DES ROCHES.
Le circuit de randonnée de la cascade de Faymont vous fera découvrir un point de vue sur la vallée des Roches, et la roche Bussennière, depuis la Roche Joséphine.










